Assurance-vie : Le caractère exagéré des sommes placées n’est pas fonction du montant versé
En cas de décès, est-il approprié de contester le montant des sommes placées pour atteinte à sa réserve ? Peut-on refuser de produire l’attestation permettant de libérer les fonds si l’on considère que les montants versés par le souscripteur sont disproportionnés ? C’est la question à laquelle est venu répondre le TJ de Nîmes dans un arrêt du 30 juillet dernier.
Les faits :
Madame A souscrit un contrat d’assurance-vie et désigne ses enfants en qualité de bénéficiaires. Par un avenant à ce même contrat, elle désigne son conjoint bénéficiaire de l’usufruit du contrat et ses enfants bénéficiaires de la nue-propriété.
Elle décède quelques temps plus tard, laissant pour lui succéder son conjoint survivant et ses deux enfants.
Le conjoint se rapproche de la compagnie d’assurance pour obtenir le versement des fonds et cette dernière sollicite une attestation sur l’honneur des enfants. L’un des enfants refuse de produire ladite attestation. Le débat judiciaire qui s’en est suivi portait notamment sur le caractère exagéré des sommes versées par la défunte sur le contrat d’assurance-vie, ces versements privant notamment ses enfants de percevoir des liquidités à son décès.
Le tribunal judiciaire de Nîmes est venu se prononcer sur différents points et notamment:
Le caractère manifestement exagéré des primes versées et leur réintégration à l’actif successoral
Pour rappel, les sommes versées sur les contrats d’assurance-vie ne sont pas soumises aux droits de succession à moins qu’elles n’aient été manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur.
Le caractère manifestement exagéré des primes doit s’apprécier au moment de leur versement, au regard de l’âge, de la situation familiale et patrimoine du souscripteur ou encore de l'utilité de la souscription du contrat. Aussi, la seule importance de la somme versée ne suffit pas à caractériser l’excès.
En l’espèce,
Madame avait souscrit un contrat et réalisé un versement de 100.000 euros, fonds provenant d’une succession. Son fils indiquait que ce versement important était intervenu en dépit d’épargne disponible et que le versement avait été réalisé alors qu’elle se savait atteinte d’un cancer incurable. Il relève également que la souscription et le versement étaient intervenus alors même que Madame et son époux faisaient l’objet d’exonérations de taxes foncières du fait de leur capacité financière insuffisante,
L’époux et sa fille précisent quant à eux que le couple n’avait pas de problèmes financiers, que l’exonération de taxe foncière était plutôt due à l’âge des demandeurs et que la maladie incurable n’avait été révélée à Madame que quelques semaines avant son décès et postérieurement à l’ouverture du contrat.
Le tribunal relève quant à lui que :
La connaissance du caractère incurable de la maladie lors de la souscription n’est pas rapportée,
Les époux avaient des dépenses ordinaires sans problèmes financiers, le versement bien qu’important n’ayant donc pas obéré leur train de vie déjà modeste,
Quant à l’utilité du contrat, Madame pouvait tout à fait considérer que placer ainsi le capital constituait le meilleur mode d’utilisation de sommes dont elle disposait. Elle pouvait d’ailleurs tout à fait procéder à des rachats pour récupérer une partie des sommes placées.
Le tribunal relève que les sommes versées sur le contrat n’étaient ainsi pas exagérées et elle enjoint le fils à produire l’attestation nécessaire à la libération des fonds, qui étaient restés bloqués chez l’assureur.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que le jugement ne condamne pas le fils à des dommages et intérêts pour résistance abusive en considérant qu’il s’était opposé à la remise et contestait le montant versé car il avait réalisé une mauvaise appréciation de ses droits. Le tribunal considère donc qu’il n’était pas de mauvaise foi ni dans l’abus.
Tribunal judiciaire de Nîmes, 30 juillet 2025, n°21/02750