Pacte Dutreil : La responsabilité du conseil ne se limite pas à sa mission administrative annuelle

En application de l’ancien article 1147 du Code civil, l’avocat rédacteur d’un acte se trouve dans l’obligation d’attirer l’attention de son client sur l’opportunité et les conséquences de cet acte. C’est cette notion qu’est venue rappeler un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 novembre 2025. Dans cette affaire, deux avocats s’étaient succédé aux intérêts d’une famille désireuse de transmettre son patrimoine sous le régime du Pacte Dutreil. La responsabilité du second avocat a été mise en cause sur la base d’un manquement à son devoir de conseil alors même qu’il n’était pas à l’origine de la transmission.

En l’espèce, en 2011, un premier avocat rédige un engagement collectif de conservation, avec une clause de prorogation tacite pour une durée indéterminée. Quelques semaines après enregistrement de cet acte, une donation-partage est réalisée sous le bénéfice du régime Dutreil.

En 2012, un nouvel avocat est missionné aux fins de rédiger, annuellement, les attestations de conservation des titres exigées par les textes en vigueur à cette époque.

En 2017, ce nouvel avocat suggère aux clients de mettre fin à l’engagement collectif de conservation qui s’était tacitement reconduit.

En 2020, les clients ne parviennent pas à céder leur entreprise du fait de l’existence de l’engagement de conservation. Ils assignent alors le second avocat en responsabilité et indemnisation.

Les requérants reprochent à l’avocat d’avoir manquer à son devoir de conseil dès lors qu’il n’a pas attiré leur attention sur les conséquences des prorogations de l’engagement de conservation initial avant l’année 2017, alors même qu’il était chargé de rédiger les attestations annuelles depuis 2012. L’avocat se défendait, en retour, en indiquant qu’il n’était missionné que pour la rédaction des engagements annuels et non pour établir un projet de cession ou de transmission successorale. L’arrêt d’appel donne raison à l’avocat.

La Cour de cassation considère quant à elle que le devoir d’information et de conseil de l’avocat ne se limitait pas à la mission administrative de rédaction d’attestation qui lui était confiée et qu’il convenait d’attirer l’attention du client sur l’opportunité et les conséquences d’un tel acte.

S’il n’est pas établi que le second avocat avait reçu une mission portant sur la gestion des droits sociaux, la réduction annuelle des attestations ne pouvait être réalisée sans la prise en compte des incidences de la prorogation de l’engagement. Par ailleurs, la Cour relève, en l'espèce, que le second avocat n’a attiré l’attention des clients qu’en 2017, soit cinq ans après le début de sa mission, sur l’opportunité de mettre en un terme à l’engagement collectif initial.

Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel.

Cour de cassation, 13 novembre 2025, n°24-15.616

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