Rappel sur l’obligation d’information précontractuelle

Retour sur un arrêt croustillant de la Cour de cassation… Une friture interdite illustrant les exigences de l’obligation d’information précontractuelle de l’article 1112-1 du Code civil.

L’une des parties acquiert la totalité des parts sociales d’une société, exerçant un activité de restauration rapide dans un local, objet d’un bail commercial.

Toutefois, assez rapidement, l’acquéreur se rend compte que le règlement de copropriété et les copropriétaires de l'immeuble concerné s'opposent à l'installation d'un système d'extraction de fumée ou de ventilation pour exercer une activité impliquant de la friture.

L’acquéreur assigne alors le vendeur des parts sociales en nullité de la vente, sur le fondement de la dissimulation intentionnelle de cette information déterminante, qui l’empêchait d’exercer l’activité projetée.

Cette possibilité est prévue par l’article 1112-1 du Code Civil, qui dispose que :

« Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »

Les juges de la Cour d’Appel de Reims ont rejeté cette demande en jugeant qu'il n’était pas démontré que l'impossibilité de faire de la friture était une condition déterminante pour le consentement de l'acquéreur.

C’est cette affaire qui a fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation.

A la lecture du texte, les alinéas 1 et 3 semblent être indépendants l’un de l’autre : tandis que l’alinéa 1 prévoit une double condition d’une information déterminante, couplée à une ignorance légitime, l’alinéa 3 définit uniquement les informations déterminantes comme celles ayant un lien avec l’objet du contrat ou la qualité des parties, permettant de délimiter la nature et l’identité d’informations qui seraient ainsi qualifiées de déterminantes.

La Cour de cassation a approuvé les juges d’appel d’avoir rejeté l’argumentaire selon lequel le devoir d'information porterait sur toute information ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, considérant ce moyen non fondé, notamment car ce devoir d’information ne s’applique qu’aux informations ayant ce lien direct et nécessaire, et dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre partie.

L’apport de l’arrêt réside dans le fait qu’il impose à la fois de démontrer le caractère déterminant de l’information, et le lien direct et nécessaire prévu par le texte.

Cela constitue indiscutablement un durcissement de la règle, puisque cette jurisprudence impose désormais des conditions cumulatives du caractère déterminant, et de ce lien direct et nécessaire.

Au cas particulier, c’est le caractère déterminant qui a fait défaut, puisqu’il n’a pas été rapporté les justificatifs permettant d’établir que la possibilité de faire de la friture était une condition déterminante pour le consentement lors de l’opération effectuée.

Il s’agit, en pratique, d’un élément qui sera assurément difficile à justifier.

En effet, il faudrait ainsi apporter les justificatifs que telle caractéristique constituait un élément déterminant de l’opération, ou à défaut, il faudra penser à insérer dans la sphère contractuelle les éléments déterminants du consentement, notamment dans l’acte ou dans le cadre des négociations, qui peuvent être confidentielles, ce qui complexifie la preuve à rapporter.

L’arrêt : Cass., Com., 14 mai 2025, FS-B, n° 23-17.948, Publié au Bulletin 

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